Le mémoire dans la professionnalisation des enseignants

Publié le 14 novembre 2012 Mis à jour le 10 octobre 2022

Deux formateurs IUFM présentent des recherches croisées et personnelles, menées au sujet du processus d’élaboration d’un mémoire professionnalisant par de futurs enseignants. Un étudiant et deux anciennes étudiantes de l’IUFM, travaillant ou ayant travaillé avec ces formateurs, présentent les recherches contextualisées qui soutiennent ou ont soutenu la construction de leur mémoire de master. Une attention particulière est portée par chaque intervenant aux obstacles qu’il a pu rencontrer ou observer, et aux modalités de dépassement de ceux-ci.

En 2005, la loi française « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » a établi le droit à la scolarisation de tout enfant ou adolescent handicapé, transformant ainsi en acte législatif l’intention inclusive européenne impulsée en 1994 par la conférence de Salamanque. Dans ce contexte, il semble pertinent d’interroger les renégociations identitaires induites chez les futurs professeurs des écoles par la rencontre entre :

- d’une part, un contexte de professionnalisation qui s’inscrit dans une logique nouvelle d’école accueillant tous les élèves en âge d’être scolarisés (à moins que des raisons impérieuses ne s’y opposent) ;
- d’autre part, un contexte de formation « masterisée », comprenant une initiation à la recherche et prenant appui sur un mémoire écrit.
Les recherches présentées au cours de la journée d’études impliquent de façon croisée des étudiants de l’IUFM et les formateurs qui ont accompagné ces étudiants dans l’élaboration d’un mémoire professionnalisant. Les travaux présentés s’intéressent en particulier :
- au rôle d’un processus d’écriture réflexive, articulé à une recherche contextualisée en milieu scolaire,dans la transformation des représentations sociales au sujet d’élèves à besoins spécifiques ;
- aux obstacles rencontrés pour qu’un vécu personnel ou des observations en lien avec les situations de handicap puissent se traduire en une organisation méthodologique et une créativité pédagogique adaptéesà une diversité d’apprenants.

  • Valérie Barry, formatrice pour l’ASH, IUFM de l’université Paris-Est Créteil, maître de conférences en sciences de l’éducation, laboratoire CIRCEFT (équipe REV) et Alexandre Ployé, formateur et responsable des formations pour l’ASH à l’IUFM de l’UPEC, doctorant en sciences de l’éducation, laboratoire CIRCEFT (équipe ESSI) - "Obstacles méthodologiques et conceptuels de la construction d’un mémoire professionnalisant en lien avec les situations de handicap"
Cette communication interroge les liens entre :
- d’une part, l’intégration, dans la construction d’une identité de professeur, des mutations opérées dans le système éducatif par la loi du 11 février 2005 sur la scolarisation des élèves handicapés ;
- d’autre part, la construction d’un mémoire centré sur les élèves à besoins spécifiques.
La recherche ici présentée se situe dans le cadre du master « Métiers de l’enseignement du premier degré », et concerne l’option de recherche « Handicap et école inclusive ». L’étude, qui prend appui sur un corpus constitué d’écrits d’étudiants et de retranscriptions d’échanges avec ces derniers, repose sur le questionnement suivant : en quoi la construction d'un mémoire professionnalisant en lien avec des élèves à besoins spécifiques contribue-t-elle à la construction d’une identité professionnelle adaptée à une école de la diversité ? ». La recherche ici présentée s’intéresse en particulier aux difficultés méthodologiques et conceptuelles rencontrées dans la construction du mémoire, et aux pistes de travail que l’on peut y associer en formation.
 
  • Julie Barreiros, professeur des écoles, école Vauban, Livry-Gargan (93) - "Autisme et communication"
Ex-étudiante de l’IUFM, Julie Barreiros présente son mémoire de master 2, en indiquant en premier lieu l’origine de son intérêt pour des élèves présentant des troubles autistiques. La recherche présentée porte sur l’utilisation de méthodes de communication instrumentées (P.E.C.S (1) et Makaton) comme moyen d’initier une relation pédagogique avec ce type d’élèves et de les faire accéder à une pensée autonome, notamment quand ils ne sont pas en capacité de communiquer oralement. Le propos prend appui sur des observations réalisées dans l’unité d’enseignement d’un institut médico-éducatif, en particulier auprès d’un élève prénommé Jean. Il s’agit d’explorer les évolutions cognitives et comportementales de cet enfant, au regard des modalités de communication mises en place par son enseignante.
(1) Pictures Exchange Communication System.
 
  • Sabrina Marques, assistante d’éducation, collège Louis Armand, Savigny-le-Temple (77) - "Besoins spécifiques d’élèves démobilisés et en risque de rupture scolaire"
Ex-étudiante de l’IUFM, Sabrina Marques présente également son mémoire de master 2, lequel est construit autour du questionnement de recherche suivant : comment aider un élève à (re)prendre goût à l’école, quels dispositifs peut-on mettre en place pour le motiver à apprendre, et quelles attentions particulières cela  requiert de la part de l’enseignant ? La communication repose sur deux hypothèses de recherche :
- celle d’une incidence du passage d’une motivation extrinsèque à une motivation intrinsèque pour ce qui concerne l’appétence scolaire ;
- celle du rôle d’un sentiment d’auto-efficacité et d’estime de soi dans la motivation à apprendre.
Le développement de ces deux hypothèses fournit l’occasion d’expliciter les précautions et remaniements méthodologiques qui ont été nécessaires pour interviewer de jeunes élèves, ainsi que les résultats qui ont émergé de cette recherche.
 
  • Alexandre Ployé, formateur et responsable des formations pour l’ASH à l’IUFM de l’UPEC, doctorant en sciences de l’éducation, laboratoire CIRCEFT (équipe ESSI) - "Processus identitaire de futurs enseignants lors d’une recherche contextualisée auprès d’élèves handicapés : le "soi-enseignant" et l’altérité"
Cette recherche a pour objet de rendre compte des formes de transaction auxquelles le « soi-enseignant » est soumis en formation et lors de l’écriture d’un mémoire chez de futurs professeurs des écoles se préparant à travailler dans le cadre de l’école inclusive.
En effet, la rencontre avec l’altérité (posée par l’existence de besoins d’apprentissage spécifiques) est susceptible d’actualiser des conflits internes, qui, s’ils ne sont pas élaborés et étayés psychiquement, peuvent mettre les enseignants en difficulté sur le terrain de la rencontre réelle avec un élève en situation de handicap.
L’étude prend en particulier appui sur l’analyse clinique d’échanges oraux entre et avec des étudiants.
 
  • Nicolas Bertrand, étudiant en master 2 « Éducation et métiers de l’enseignement du premier degré », option de recherche « Handicap et école inclusive », IUFM de l’UPEC - "Évolution des représentations sociales d’élèves "ordinaires" au sujet du handicap"
Étudiant de l’IUFM, Nicolas Bertrand présente sa note de recherche de master 1, construite à partir de la question suivante : les représentations d’un élève de cycle 3 sur le handicap peuvent-elles évoluer par une mise en situation de handicap physique ou visuel ? La recherche prend appui sur les hypothèses selon lesquelles : 
- une médiation enseignante peut favoriser une transformation des conceptions des élèves au sujet de l’altérité portée par la personne handicapée ;
- l’émergence de formes d’identification et d’empathie peut être le ressort d’un changement de représentations sociales favorable au principe de l’école inclusive.
Le développement proposé montre comment la mise en place de questionnaires associés à des moments de débat permet de saisir des indicateurs qui valident les hypothèses. Il montre comment une analyse critique de la méthodologie de recherche mise en œuvre peut pleinement faire partie de cette méthodologie.
 
  • Valérie Barry, formatrice pour l’ASH, IUFM de l’université Paris-Est Créteil, maître de conférences en sciences de l’éducation, laboratoire CIRCEFT (équipe REV) - "Accompagner l’élaboration d’une recherche contextualisée : quelle réflexivité ? Quelle temporalité ?"
Cette recherche interroge le rôle de l’accompagnement des formateurs dans le passage d’une observation initiale à une méthodologie de recherche « en actes », c’est-à-dire une méthodologie qui s’appuie (sereinement) sur des indicateurs porteurs de compréhension des situations pédagogiques rencontrées. Il est question de cerner en quoi un dispositif de formation de longue durée, et prenant appui sur un écrit réflexif, favorise le passage d’un enjeu d’opérationnalité (face à des élèves dont les obstacles à l’apprentissage peuvent représenter des « énigmes » pédagogiques) à :
- une problématique d’élucidation (des besoins d’apprentissage de ces élèves) ;
- la construction d’une intelligibilité de ses propres postures et démarches enseignantes.
L’étude prend appui sur des retranscriptions d’échanges écrits avec les étudiants et la prise de note de phrases prononcées par eux lors de leur soutenance de master 2.